(publié sur cuk.ch en 2014)
Et si je prenais un peu de temps qui passe,
pour en faire du temps qui reste,
l’espace d’un instant?
Assis,
couché,
immobile,
ou en mouvement,
peu importe.
Mais être,
juste être,
ici, maintenant,
avec pour seul indice du temps qui passe
mon souffle qui s’écoule;
sans aucune considération ni pour le passé, ni pour le futur.
D’ailleurs: le passé et le futur existent-ils? Ont-ils seulement la prétention d’exister en dehors de notre mémoire et de nos espérances, de nos cicatrices et de nos appréhensions?
Et même le présent, existe-t-il vraiment? En a-t-il le temps, en dehors de cette nano-seconde qui sépare le futur du passé? Entre le futur qui le nourrit et le passé dans lequel il se dissout, s’évapore, se fige à jamais, a-t-il seulement le temps de répondre “présent!”, le temps?
Et si je prenais un peu de temps qui passe,
pour en faire du temps qui reste,
l’espace d’un instant?
On dit que le temps passe trop vite. Ou trop lentement. Pourtant, lui, il ne peut ni accélérer ni ralentir.
Et de toute façon, ralentir, il ne voudrait pas. Pour rien au monde. Parce qu’il le sait bien trop bien: lorsque nous avons l’impression qu’il passe trop lentement, que faisons-nous? Nous cherchons une occupation… pour “tuer le temps”.
Et ça, le temps, il n’aime pas.
On peut comprendre.
A l’inverse, lorsqu’il nous semble passer trop vite, nous disons que nous n’en avons pas assez. Pas assez de temps!
Alors que lui, le temps, il se donne à chacun de nous de façon égale, sans privilège ni passe-droits. A-t-on déjà vu que quelqu’un ait reçu, montre en main, soixante-et-une minutes en une heure? Jamais!
Il est vrai que certaines personnes peuvent nous donner l’impression d’en avoir un peu plus; mais ceci est un autre débat, qui ne concerne pas le temps.
Et si je prenais un peu de temps qui passe,
pour en faire du temps qui reste,
l’espace d’un instant?
Autrement dit, soit on se plaint de ne pas en avoir, soit on le tue.
Sale temps pour le temps!
On le juge, on le dénigre, on le trouve trop rapide ou trop lent, on se plaint qu’il nous manque, on lui court après, on le bouscule, on voudrait le remonter ou voyager à travers…
J’aimerais tellement savoir en profiter, savoir le savourer, le goûter, le prendre comme il est, sans le juger ni vouloir le compter, et surtout, sans le rêver différent.
Oui, j’aimerais tellement… être en paix avec le temps!
Et si je prenais un peu de temps qui passe,
pour en faire du temps qui reste,
l’espace d’un instant?
C’est lorsque je ne vois pas le temps passer que je suis tenté de le retenir; de lui demander de rester un peu. Mais… est-ce le respecter? N’est-ce pas dans sa nature, de passer?
Alors, je m’interroge:
pour arriver à prendre le temps,
ne devrais-je pas,
– ne fût-ce qu’un peu –
apprendre à…
le lâcher?
Assis, là, les yeux ouverts ou fermés, pas d'importance, juste assis, là, silence... Assis, là, sans souvenirs, sans projets, sans espérance, juste assis, là, présence...
Oui.
Quelle concision, quelle pertinence, quel sens du mot juste!
J’applaudi!
🙂
C’est marrant, je me souvenais très bien de ce post sur Cuk.ch, alors que c’était en 2014. Comme quoi, le temps passe, mais les écrits restent dans la mémoire.
Effectivement. Je l’ai un peu retravaillé car si l’écrit reste, il reste figé alors que l’auteur·rice continue d’évoluer!