L’important, c’est le rose

Dernièrement, j’ai pris conscience d’une chose.

Depuis toujours, je crois, je n’ai jamais aimé la couleur rose. Pendant longtemps, j’ai pensé que c’était normal, puisque je suis un garçon.

Et puis petit à petit, j’ai pris conscience du ridicule de cette association couleur-genre. Et plus ça va, plus les jouets et vêtements sont genrés par — entre autres — la couleur, et je trouve ça très con.

N’empêche, j’aime pas l’rose.

Mais non, c’est pas à cause du fait que cette couleur est associée à la féminité, j’te jure ! D’ailleurs, chui féministe, non ? Bon, alors…

C’est parce que cette couleur, pour moi, ça évoque… les bonbons, la douceur, la mièvrerie, les midinettes, la délicatesse, le parfum, les homosex…

OULA !

Ça va pas du tout ! Me rends-je compte de ce que je viens d’écrire ? Tiens, pour ma peine, je le mets en rose :

J’AIME PAS L’ROSE, PASQUE ÇA FAIT PÉDÉ.

Bon.

Je ne pense pas être homophobe. Je dirais même que ces dernières années, je m’ouvre de plus en plus non seulement à l’homosexualité, mais également à tout ce que l’on nomme trans, queer, non-binaire, et j’en oublie certainement.

L’expression « ça fait pédé » m’horripile. Parce qu’elle n’exprime pas ce qu’on pourrait appeler une sorte d’erreur d’étiquetage, mais parce qu’elle constitue bel et bien une insulte.

Les insultes, j’aime pas. Et quand elles se servent d’une préférence sexuelle, d’une couleur de peau, d’un genre ou de toute autre notion de cet ordre, je les trouve particulièrement haïssables.

Cela me fait repenser à ce type qui, me voyant avec un parapluie coloré, m’avait demandé si c’était le mien. Comme je lui répondais par l’affirmative, il a prudemment posé la question : « Mais… ça fait un peu gonzesse, non ? ».

~ ~ ~

Donc, j’aime pas l’rose.

Mais pourquoi ?

J’ai eu envie de creuser la question ; je me suis demandé ce qu’évoquait pour moi cette couleur. Tout ce que je trouvais était relié — à tort ou à raison — à la féminité et/ou l’homosexualité. Donc, si je n’aime pas le rose, c’est que ça fait « gonzesse », ça fait « pédé ».

Et là, tu vois, ça ne me convient pas du tout.

Si toutes les explications que je peux trouver à cette aversion finissent d’une manière ou d’une autre par s’exprimer par un de ces « ça fait », et bien c’est que les raisons pour lesquelles j’aime pas l’rose sont de mauvaises raisons.

Et cette découverte me révèle à quel point je suis loin de m’être nettoyé de relents d’homophobie et de misogynie dont j’ai hérité. Et par là je n’entends pas accabler particulièrement mon père, mais bien l’ensemble de la société patriarcale dont je suis génétiquement et culturellement issu.

Alors moi je dis : merci le rose !

Merci de m’avoir fait prendre conscience que, malgré toutes mes réflexions, lectures, expériences, partages, écoutes… je porte en moi des (grosses) miettes d’homophobie et de misogynie. Et c’est pas en balayant ces miettes sous le tapis que je vais résoudre la question, nom d’un homme-blanc-cis-hétéro !

D’ailleurs, à travers l’histoire, le rose n’a pas toujours été l’apanage du féminin. J’ai lu que certain·e·s pensent que le rose a été la couleur de la virilité. C’est donc bien que cette connotation est une construction sociale artificielle et que j’en suis quelque part le jouet consentant.

Eh ben, tu sais quoi, Ô Toikimeli ?

Je ne consens plus !

Ma décision est prise : je vais aimer le rose.

Ça prendra le temps qu’il faudra.

Et depuis que j’ai pris cette décision, je souris chaque fois que je passe devant ce resto, dans ma rue :

PINK POWER !

4 réflexions sur “L’important, c’est le rose”

  1. Je trouve ton article très intéressant, car je viens de vivre récemment une expérience intérieure directement liée à ce que tu viens d’écrire.
    Pour ma part j’ai toujours beaucoup aimé le rose, et surtout le rose intense. Par chance pour moi je ne l’associe pas à la féminité ou l’homosexualité. J’ai juste eu la chancen(ou pas) de ne pas avoir eu cette influence dans mon parcourt de vie (j’en ai eu d’autres très négatives, mais c’est une autre histoire).
    J’ai donc pas exemple une chemise que je trouve très belle qui est rose et je la porte facilement à Genève avec beaucoup de bonheur. Par contre, j’ai essayé de la porter dans le pays où je me trouve en ce moment où le machisme est dans les gènes, par pour tout le monde bien sûr, mais certainement une bonne majorité de la population. Et donc, en allant faire les courses je me suis senti mal à l’aise en la portant, non pas à cause du regard des autres, mais parce que j’étais le seul à porter une chemise de couleur vive et de plus rose. Mon sentiment d’inconfort n’était que le produit de mon imagination. D’ailleurs il est possible que tout le monde s’en fout en fait, c’est peut-être qu’un stéréotype que j’ai à propos de ce pays.
    Tout cela pour dire que le sujet est fort complexe, et donc passionnant (je trouve).

    1. Merci, Xavier, pour ta contribution !

      As-tu l’occasion de parler de ça avec une personne du coin ? Et en connais-tu l’une ou l’autre suffisamment pour être sûr de recevoir une réponse franche ? Ce serait intéressant de savoir comment les gens l’ont ressenti, eux.

      Parce que, comme tu les dis, il s’agit peut-être d’un stéréotype qui t’appartient et que, finalement, il est tout à fait possible d’aller se faire voir chez les Grecs avec une chemise rose ! (pardon, j’ai pas pu m’en empêcher !)

  2. Mais faut-il forcément se demander pourquoi on n’aime pas quelque chose? Et si oui, peut-on vraiment savoir pourquoi on ne l’aime pas ? Je veux dire que les associations d’idées qui nous viennent ne sont pas forcément la cause de notre non-amour…
    Je n’aime pas non plus le rose. Du tout. Enfin sauf certains roses foncés. Mais encore, ça dépend où. Par exemple, je suis sûre que toi aussi tu aimes le rose qu’un coucher ou lever de soleil peut donner à des montagnes enneigées….
    Et le vert. J’aime le vert des prés, le vert clair des feuilles du printemps. Mais ces mêmes vert me seraient insupportables pour des habits. Y a-t-il forcément une raison à ça ? La chromato-thérapie me répondrait surement que oui. Mais la raison risquerait d’être plus complexe que des associations d’idée.
    Alors si vraiment au fond de toi tu aimes le rose mais que tu te l’interdis à cause de ces petites phrases types tant répétées, se forcer à changer de point de vue paraitrait logique. Mais si ce n’est pas le cas, pourquoi ? N’est-ce pas obéir à un autre courant de pensée qui veut qu’il ne faut pas avoir la moindre once de quoi que ce soit qui pourrait laisser penser que peut-être éventuellement on a des idées qui pourraient faire penser qu’on est un peu sexiste….. ?
    Mais bon, décider d’aimer le rose, en fait, pourquoi pas. Puis-je t’aider en te tricotant un petit bonnet ? 🙂

    1. Hello Sibylle!

      Merci de poser la question, cela me donne l’occasion d’exprimer une chose qui a motivé cette réflexion et dont j’ai oublié de parler dans mon billet.

      Mais faut-il forcément se demander pourquoi on n’aime pas quelque chose ? Et si oui, peut-on vraiment savoir pourquoi on ne l’aime pas ?

      Mais bien sûr que non ! On ne doit pas ! Mais j’ai eu envie de le faire parce que justement, lorsque je voyais un beau coucher (ou lever) de soleil, ou bien en contemplant certains arbres dont les feuilles, en automne, devenaient roses… il arrivait que quelque chose en moi me dise « Mais… c’est du rose ! Et tu n’aimes pas le rose ! ». Alors de là à dire que je m’interdisais de trouver ces lumières et ces feuilles belles, bien sûr que non. Mais quelque chose en moi m’interpellait et c’est ça qui m’a poussé à questionner cette aversion pour le rose.

      Pareil pour le vert, d’ailleurs. J’ai cessé de dire « Je n’aime pas le vert » le jour où j’ai pris conscience des bienfaits que je retire de la contemplation de la nature. Alors oui, certains verts, dans certaines utilisations… mais il est clairement faux de dire que je n’aime pas le vert. Ce sera pareil pour le rose, comme toutes les autres couleurs. Même s’il est vrai que certaines me touchent plus, je n’ai plus envie d’en condamner une de façon globale.

      N’est-ce pas obéir à un autre courant de pensée qui veut qu’il ne faut pas avoir la moindre once de quoi que ce soit qui pourrait laisser penser que peut-être éventuellement on a des idées qui pourraient faire penser qu’on est un peu sexiste….. ?

      En ce qui me concerne, il n’y a plus de peut-être ou d’éventuellement. Je suis sexiste. À un degré moindre que d’autres, certainement, mais je le suis. Cette prise de conscience entraîne pour moi la nécessité de déconstruire ce qui est à ma portée, de m’efforcer (et non de me forcer) d’identifier ce qui, en moi, porte les traces de cet héritage, et, bien évidemment, de modifier mes comportements en conséquence.

      Puis-je t’aider en te tricotant un petit bonnet ?

      Comment dire… Peut-être pas… Ou alors bicolore, vieux rose et gris foncé, comme le store du bistrot de la photo que j’ai mis en fin d’article ? 😉

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