Les trois cerveaux et la hiérarchie

Nous avons, paraît-il, trois cerveaux. Dans l’ordre d’entrée en scène au long de l’histoire animale: le reptilien, le paléomammalien et le néomammalien (ou cerveau humain).

Bon. Je ne suis pas un spécialiste de la question, c’est un toubib qui me l’a dit ce week-end. Un psychiatre. Il s’agit de Christophe Massin, l’auteur de plusieurs bouquins, dont l’excellent Souffrir ou aimer. Transformer l’émotion (Odile Jacob, 2014), que j’ai lu et apprécié. Beaucoup. Il animait un stage de deux jours auquel nous avons eu le plaisir de participer, Bernadette et moi.

Trois cerveaux donc.

En feuilletant Wikipedia, je découvre que cette classification, appelée “théorie du cerveau triunique“, serait devenue obsolète, ce qui, en l’occurrence, signifie non qu’elle est devenue fausse, mais qu’on a progressé depuis et qu’on utilise maintenant une nomenclature plus précise, plus détaillée; pour autant, cette division en trois “couches” reste intéressante. D’ailleurs le philosophe Michel Onfray y souscrit. Certes, un philosophe n’est pas non plus un spécialiste de la question. Il serait plutôt un spécialiste des questions. Mais là, je m’égare.

Ces quelques précisions pour te montrer que tu peux, ô Toikimeli, compter sur moi pour éviter d’écrire n’importe quoi sans le vérifier. Mais si je l’écris quand même malgré cette “obsolescence”, c’est que

  • mon blog n’est pas un blog médical
  • ce billet n’est pas un cours d’anatomie du cerveau.

Et puis surtout, cette structure “triunique”, telle qu’elle m’a été présentée, a provoqué en moi une réflexion intéressante. Et tu me connais: lorsque je me fais une réflexion intéressante, j’ai envie de t’en parler.

Bon alors voilà, en gros et de mémoire, ce que j’ai compris:

  1. Le cerveau reptilien (ou primitif, ou archaïque) est la couche la plus ancienne de notre cerveau. Quatre cent millions d’années. Je te dis pas le prix des bougies et la taille du gâteau. C’est le lieu de la survie, de l’instinct, du réflexe; son action est rapide et puissante. Il n’attend pas les ordres, il fait son job comme un grand. Il peut toutefois, dans certaines situations, être victime de désinformation de la part du n°2, ce qui peut entraîner des décisions inapropirées, comme on va le voir plus bas.
  2. Le cerveau paléomammalien (ou limbique), 65’000’000 ans (mais qui ne les fait pas), est le lieu des émotions, du lien, de l’intuition. Il travaille un peu moins rapidement et puissamment que le reptilien, mais quand même, faut pas le chercher. Il lui arrive d’ailleurs de prendre des initiatives regrettables en raison de la croyance qu’il a parfois d’être d’une objectivité irréprochable. Comme dit plus haut, on va le voir plus bas, ne t’impatiente pas comme ça.
  3. le cerveau néo-mammalien (ou hominien, ou néocortex), le petit dernier, mais 3’600’000 ans tout de même. C’est celui de la réflexion, de l’analyse, du discernement, de la créativité, j’en passe et des meilleurs. Question rapidité et puissance, il ne fait pas le malin. Mais il n’a pas son pareil pour analyser la situation et tenter une réponse créative, prendre des décisions à long terme, tenter de cadrer les deux autres ou du moins de réparer les dégats si nécessaire.

Le psychiatre qui me parlait de cette structure me disait un truc intéressant. En parlant des deux premiers, il disait que ce sont les dominants. Et pourtant, le plus évolué est bien le troisième, donc quelque part, ce devrait être lui le boss, non? Et c’est là que c’est devenu intéressant pour moi.

Parce que, effectivement: si je pose la main sur une plaque brûlante, c’est bien le n°1 qui va sonner la retraite, et immédiatement. Sans attendre les ordres d’En Haut, sans commander une étude sur les chances de survie de la main en mode cuisson rapide. Et si quelqu’un m’insulte, c’est bien le n°2 qui va faire exploser ma colère et, de manière très subtile, convaincre le n°1 qu’il y a danger, de manière à ce que celui-ci expédie mon poing dans la mâchoire du fâcheux. (Bon. En vrai je ne suis pas comme ça, hein, c’est juste un exemple…)

Mais alors, me diras-tu (et si tu ne le fais pas je me le dis moi-même parce que j’en ai besoin pour continuer): “Alors, comment donc le 3e fait-il pour mériter sa place de “plus évolué”, son grade de chef, sa réputation de “c’est moi que je commande”?

Sur le schéma que Christophe Massin a fait pour nous présenter cette structure, il a disposé le n°1 en bas, puis le 2, et, au sommet, le 3. Logique. Si l’on parle de couches successives, les plus anciennes sont celles du dessous. Et c’est d’ailleurs le cas dans l’anatomie dudit cerveau. Mais du coup, de voir celui qui est sensé être le plus évolué, donc le chef, soumis à la “domination” de ses collègues inférieurs, ça la fout mal.

En fait, pour que le cerveau hominien prenne de bonnes décisions, il ne peut pas faire l’économie de la prise en compte des étages inférieurs. Et il ne s’agit pas pour lui d’ouvrir un dictionnaire pour consulter la définition – par exemple – du mot colère, mais encore faut-il qu’il opère une plongée immersive dans le monde des émotions pour sentir, éprouver la colère, dépasser la compréhension intellectuelle pour prendre le temps de l’expérimentation concrète, physique, organismique. Et tu sais quoi? Ça n’arrange pas son chrono! Ça prend du temps, tout ça. Pas étonnant que les décisions à long terme soient si difficiles à prendre, du moins si on veut qu’elles soient pertinentes. Et même, une fois la décision prise, rester en contact avec la base pour vérifier l’évolution et corriger, adapter, mettre à jour…

Et c’est là que j’ai demandé à Massin s’il donnait des stages en entreprise.

Parce que je pense que cette vision du système nerveux pourrait peut-être éclairer certaines hiérarchies sur l’importance vitale de la prise en compte de ce qui se passe en bas, sur le terrain, dans ces couches que l’on dit inférieures, mais que lui nous présentait alors comme dominantes!

 

13 réflexions sur “Les trois cerveaux et la hiérarchie”

  1. madamepoppins

    Je le confesse, ce matin j’étais prête à t’engueuler “c’est quand ton prochain billet, c’est pas un blog, c’est un désert !”

    Je fus donc ravie de voir que tu étais sorti de ton “mutisme” et j’ai adoré te lire ! Mon cerveau possède une couche supplémentaire que je qualifie de “patiner” : aucun des trois premiers ne marche parfois et je erre dans mes propres méandres….

    La bise du soir !

    1. Chère madamepoppins,
      Où as-tu vu qu’un blog doit forcément être alimenté aussi souvent que le tien?
      Mmmmh?
      Où as-tu vu que je m’engageais à une fréquence de publication qui corresponde à celle que François et toi assurez?
      Mmmmh?
      Pasque vous, mis à part vos métiers, engagements divers, couples, enfants, hobbys, pratiques sportives et/ou artistiques, vous n’avez rien à foutre! Moi, j’ai une retraite qui me prend tout mon temps. Par ailleurs, on n’est pas faits pareils, hein. Y en a qui ont plus de cylindrée sous le capot, et on va pas reprocher à une Deuche de ne pas avaler autant de kilomètres à l’heure qu’une Porsche! Et pis même, hein, je fais ce que veux! C’est MON blog, je publie quand JE veux, SI je veux. Le seul engagement que j’ai pris est de publier un article par mois au minimum. Or, ce mois de mars, j’en suis à trois. C’est pas de la tenue de promesse, ça?

      Bon.

      Plus sérieusement:

      Merci, je suis touché – vraiment! – par ta constance à m’encourager à l’écriture. Mais le fait est que je n’ai pas envie de me mettre la pression. Le sous-titre de mon blog pourrait être cette phrase, que mon père se plaisait à répéter: « Heureux ceux qui n’ont rien à dire et qui ne le disent pas! »

      Quant à ta couche de cerveau supplémentaire, qu’est-ce que je disais: On n’est pas faits pareils!

  2. madamepoppins

    Ça prend autant de temps que ça, une retraite ?!

    Plus sérieusement, évidemment que tu publies quand tu veux : y a juste que j’aime te lire !

  3. Merci Dom.
    Oui, ces allers-retours dans les prises de décision, c’est beau. Quand en plus on ne sait pas comment ça c’est réglé entre les trois, on ne sait plus finalement si c’est la bonne décision.
    Bonne suite.

  4. Jean-Yves (Cukien)

    Toujours un vrai plaisir de te lire grâce à ce lien.

    Lu en commentaire:

    Le sous-titre de mon blog pourrait être cette phrase, que mon père se plaisait à répéter : « Heureux ceux qui n’ont rien à dire et qui ne le disent pas !

    Raymond Devos, maître ès langues, en proposait pour ses 80 ans une version acidulée d’une étonnante actualité.
    C’était en 2002, et ça ne dure que 2’36” …

    Bon, sérieusement, c’est juste pour rire ça. Non ?

    1. Merci Jean-Yves!
      Je réalise que ne t’ai pas répondu.
      Et je réalise que, s’agissant du 1er lien que tu indiques, je n’avais pas réalisé qu’il présenterait en permanence les dernières publications de chacune et chacun. Je n’avais pas pris la peine de lire la présentation, sans doute. Je le mets dans les favoris!
      Et merci aussi pour les liens vers les oeuvres de Maître Devos. Toujours un régal d’entendre ce monsieur!

  5. Bonsoir et merci aussi Dom’-)
    Mais ce lien utile est l’œuvre de Guillôme et Sébastien.

    Question pratique, que je teste en même temps puisque tu es sous WP:
    Peut-on se référer à l’article de François pour faire de jolis commentaires sans savoir si tu as activé le Markdown?

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