La grève des femmes et moi.

Vendredi 14 juin passé avait donc lieu, en Suisse, la grève des femmes*.

A priori, l’on pourrait penser que je n’étais pas directement concerné, ce pour deux raisons:

  • étant retraité, je ne peux pas, techniquement, faire la grève;
  • mais surtout, je suis un homme.

Mais bon. À défaut de la grève elle-même, je pouvais participer à la manifestation et aller défiler dans la rue. Toutefois:

Je ne suis pas un habitué des manifs, car je suis très vitre mal à l’aise dans une foule; d’autant plus lorsque celle-ci est bruyante, même sur un ton festif.

Pourtant je suis allé manifester, un bout.

Je me suis tout d’abord positionné sur le parcours du cortège, à proximité de son point de départ, histoire de sentir un peu l’ambiance, de lire les calicots, dans l’espoir de repérer une portion peut-être un peu moins bruyante pour m’y insérer.

J’avais plaisir à regarder ce défilé, à savourer l’humour souvent présent dans le libellé des slogans, parfois crus, mais toujours pertinents; et bien sûr, je me suis laissé interpeller par ce qui pouvait me déranger, ou simplement me concerner.

Après quelque 15 minutes, j’ai entendu derrière moi une voix masculine dire:

—  Ben… y a pas beaucoup de mecs, dit donc!

Et là je me suis dit que vraiment, je ne pouvais pas rester sur le côté, en spectateur; j’avais besoin de participer, d’être une goutte dans le fleuve, d’être un mec de plus dans ce cortège. Je suis donc descendu du trottoir et j’ai rejoint le flux, mettant à profit le passage de quelques gouttes de mes amies (que j’allais bientôt perdre de vue).

Je me suis plusieurs fois repositionné pour prendre un peu de distance avec les sources sonores permanentes (musique, slogans…), et finalement, après une grosse demi-heure, j’avais atteint les limites de ma possibilité de tolérance à la foule et au bruit. J’ai alors quitté le cortège.

Mais je tenais à y être, à en être. Pourquoi?

Par solidarité avec les femmes? Oui, bien sûr, mais bien plus que ça:

Le profond déséquilibre que dénoncent les femmes (et pas qu’elles!) depuis fort longtemps impacte TOUTE la société, y compris les hommes. Certes, ce sont les femmes qui en sont les premières victimes. Mais, pour le dire de manière un peu brutale, s’il y a victime il y a bourreau. Et je ne me sens pas bien du tout dans ce rôle de bourreau.

Oui, je sais, c’est un peu simpliste. Tous les hommes ne sont pas machistes et je pense ne pas l’être vraiment, du moins pas trop. Mais je suis l’héritier génétique d’une société patriarcale qui n’a pas encore fini de faire des dégâts. Et, que je le veuille ou non, je suis obligé de reconnaître que je porte en moi passablement de traces de ce machisme que je condamne. Que je le veuille ou non, et malgré la prise de conscience que j’ai effectuée progressivement tout au long de ma vie, il m’arrive encore, par réflexe, d’avoir des pensées, des comportements, des attitudes, qui appartiennent à cet héritage.

C’est pour ça que je suis allé manifester, dans les limites de mes possibilités. Parce que je suis intimement persuadé que ce combat me concerne directement:

  • Sans tomber dans le manichéisme, je suis bel et bien, pour reprendre l’expression caricaturale ci-dessus, dans le camp des bourreaux. Et au côté des celles qui criaient leur raz le bol d’être victimes, j’avais envie de dire le mien d’être bourreau.
  • Par ailleurs, ne perdons pas de vue que nous (les hommes) sommes également intéressés à vivre dans un monde plus juste, plus équilibré, plus équitable. D’une certaine manière, nous sommes donc également un peu victimes de ce système que nous avons forgé.

C’est pourquoi je suis de ceux qui pensent que le combat féministe est également celui des hommes.

J’ai acquis la conviction que ce combat doit être mené non seulement dans les grandes causes (égalité salariale, parité, partage de la charge mentale, etc.), mais aussi — et surtout! — dans les petits détails du quotidien, par exemple dans le choix des mots que nous utilisons pour nous exprimer. Cette conviction doit beaucoup à un article que je t’invite, ô Toikimeli, à prendre le temps de lire à l’occasion. Il est long, mais il en vaut la peine. Vraiment.

Attention: j’ai quant à moi été surpris par le ton des premiers paragraphes. Mais j’ai poursuivi la lecture, attentivement, et puis… Je le relis régulièrement et ne manque jamais de le partager.

L’autrice est une jeune médecine (toubibe?) généraliste française. Son blog est principalement orienté vers des thèmes en lien avec sa profession médicale, mais il lui arrive, comme ici, de s’exprimer sur des sujets de société. J’aime beaucoup.

En voici les références:

La faute à Ève
publié par Jaddo le 28 mars 2015 sur www.jaddo.fr

 

4 réflexions sur “La grève des femmes et moi.”

  1. Bravo de ne pas avoir attendu le 3 pour cet article.
    Et mille fois merci pour ce texte de Jaddo. Il est parti immédiatement sur le mail de ma petite fille de 16 ans… et puis, tant qu’a faire, à tout mes amis et amiEs.

    1. Merci! Celui du prochain 3 est déjà sous toit; et vu le thème de celui d’aujourd’hui, il convenait de ne point attendre!
      Ça m’intéresserait de connaître la réaction de ta (plus si) petite(que ça!)-fille. Et si le cœur lui en dit, qu’elle vienne le partager ici!

      1. Je te reconnais bien Dominique. Et merci d’etre solidaire et impliqué. Ce qui m’a fait sourire c le vendredi 12 juin…. Pour ma part, je n’oublierai jamais ce vendredi 14 juin !!! Laure kiteli

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