Un langage d’un autre temps

Il y a deux expressions que j’entends encore
de temps en temps,
trop souvent;
et à chaque foi je suis surpris
que l’on puisse encore les utiliser
aujourd’hui, au XXIe siècle.

L’une:
“Il lui a fait un enfant.”
L’autre:
“Elle lui a donné un enfant.”

Et voilà que ces deux expressions
– qui, pour n’être que des “façons de parler”, témoignent d’une façon de penser qui a la vie dure –
ces deux expressions donc, se sont rencontrées dans ma tête.
Comme ça, pour rien.
Et ça a fait du bruit.
Pas beau, le bruit…

Y faut que j’te dise:

Le fils que j’ai, je ne l’ai pas fait à Bernadette.
Nous l’avons fait ensemble.
A deux.
Et d’ailleurs:
S’il fallait dire que l’un de nous l’a plus fait que l’autre,
ce serait bien plutôt elle, non?

Et elle ne me l’a pas donné.
Encore eut-il fallût qu’il lui appartienne!
Or:

“Vos enfants ne sont pas vos enfants” (Kalil Gibran)*

“A peine nôtre, et déjà autre”
avions-nous inscrit sur le faire-part de naissance de notre fils.

Dire que je le lui ai fait et qu’elle me l’a donné,
ce serait me positionner en tant que maître et propriétaire.
Maître et propriétaire de ma femme,
maître et propriétaire de notre fils.
Et ça, il n’en n’est pas question!
Non mais!

Nous ne vivons pas dans un château de jadis,
avec un Seigneur qui règne sur sa femme et ses enfants,
comme sur ses sujets.

Les temps ont changé,
les mentalités aussi, lentement,
forte* heureusement.
(ce féminin est voulu, en clin d’œil à celles qui se sont battues pour faire avancer les choses…)

Notre fils, nous l’avons fait,
ou plutôt: nous l’avons reçu,
et avons fait notre possible
pour qu’il puisse SE faire et S’appartenir;
le travail de toute une vie.

Travail que nous n’avons nous-mêmes pas achevé,
en tant que personnes,
en tant que couple…

LaisserEmerger

“Laisser émerger…”
dessin de Bernadette Python-Eckert

–  • • •  –

*Khalil Gibran: Le Prophète (réf.)
extrait: “Des enfants” (ici)

4 réflexions sur “Un langage d’un autre temps”

  1. Ouais, c’est un peu comme “il/elle lui a fait l’amour” (ce qui n’est d’ailleurs pas sans rapport -sans mauvais jeu de mots- avec le fait de faire un enfant). Très bien pensé et écrit, en tout cas!

    1. Merci pour ce retour!
      Et je suis tout-à-fait d’accord avec ce parallèle. Je n’y avait pas pensé mais cette expression me gonfle aussi.

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