Playdoyer pour un tryptique.

L’autre jour, Bernadette me fait remarquer que mon sac à dos est resté posé devant la fenêtre depuis sa dernière utilisation il y a… trois semaines.

Bon. Faut dire qu’on était en train de parler justement de réaménagement de la zone autour de la fenêtre, et qu’elle l’a dit avec beaucoup d’humour ; je le précise à l’intention de ceux qui ne la connaissent pas, afin de leur éviter d’imaginer ma femme comme une sorte de “bobonne” accusatrice. Elle est aux antipodes de cela.
Et je l’aime.
Voilà.
Ceci étant clarifié, je continue.

J’ai réfléchi à la chose
et j’ai éprouvé le besoin d’approfondir la question.

Un sac à dos, ça parle de départ, d’itinérance.
Un sac à dos, ça parle d’ailleurs, d’aventure.
Ça parle de marche à pieds, de découverte, de mouvement…
De poids aussi,
mais de réserve, de survie.
Et dans ce sens,
le sac à dos symbolise à la fois le risque et la sécurité.

Mon sac est donc posé, oublié, devant la fenêtre.

Une fenêtre, ça parle aussi d’un ailleurs,
mais d’un ailleurs contemplé, observé, fantasmé peut-être,
étant soi-même au chaud à l’intérieur, en sécurité.
Et comme cette fenêtre-ci est orientée vers le couchant,
elle invite à profiter des derniers instants du jour,
des dernières lueurs,
et, pourquoi pas, de s’envoler à leur poursuite,
comme pour allonger encore un peu ce beau moment,
retarder la nuit, mais, du coup, l’aube aussi.

Et si l’on ajoute que mon sac à dos
est partiellement dissimulé derrière le rideau ouvert,
alors une nouvelle dimension apparaît:

Le rideau, c’est à la fois un signe d’habitation,
de chaleur du foyer, de décoration intérieure,
de présence.
Et aussi, une protection contre la lumière trop vive,
ou contre les regards indiscrets des voisins d’en face.

Or donc, ce sac à dos, apparemment oublié,
dans sa rencontre inattendue avec la fenêtre et le rideau,
se révèle comme élément d’un triptyque,
la partie d’une oeuvre, puissante et évocatrice,
qui invite à la fois au rêve et à la réflexion,
à la contemplation philosophique,
à la tolérance envers l’inattendu, l’accidentel, et, métaphoriquement,
l’étranger.

SACS À DOS DE TOUS LES PAYS, OSEZ !
SORTEZ DES PLACARDS OÙ NOS SUFFISANTES ET PRÉTENTIEUSES CATÉGORIES VOUDRAIENT VOUS CONFINER !
SURPRENEZ-NOUS, INTERPELEZ-NOUS, JAILLISSEZ DE L’OMBRE,
N’AYEZ PAS PEUR DE NOUS BOUSCULER DANS NOS DOGMES !
SOYEZ POUR NOTRE REGARD UNE OCCASION DE CROISSANCE,
UNE PIERRE D’ACHOPPEMENT POUR NOS ÉQUILIBRES STÉRILES ;
ET, UN JOUR, NOTRE RECONNAISSANCE VOUS RENDRA JUSTICE :
UN JOUR, VOUS SEREZ ENFIN DEVENU LES INCONTOURNABLES ACTEURS DE L’ÉVOLUTION DE CETTE HUMANITÉ TROP FRILEUSE ET ENFERMÉE DANS SES CERTITUDES CASTRATRICES ET MORTIFÈRES !

(…et le radiateur, je vous ai parlé du radiateur ?)

1 réflexion sur “Playdoyer pour un tryptique.”

  1. Un grand plaisir à lire ce texte. En quelques lignes et dans une langue qui me parle bien, tu me ressuscites plein de petits bonheurs.
    Et tu ne le croiras pas, mais, arrivée à la photo et sans avoir lu la dernière ligne au-dessous entre parenthèses, je me suis dit “Et le radiateur?”!!!!
    Bise. Nadia

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