Être au bas d’une montée, raide, glissante, dont je me fais une montagne.
Rester là, hésitant, découragé, parce que je sais que la montée va être pénible, et qu’une fois engagé il me faudra aller jusqu’en haut, parce qu’il n’y a pas de palier possible, pas de replat, c’est d’une traite. Et arrivé en haut, il y en aura d’autres, des montées.
Découragé peut-être par quelques tentatives malheureuses, par les difficultés ou échecs lors de montées précédentes.
Pas envie de me recasser la gueule, de me salir, de me faire mal peut-être
Ouais.
C’est pas un vrai chemin, hein, c’est une parabole.
Bon.
Je suis là, et j’envie ceux qui franchissent l’obstacle sans difficulté apparente, certains même en souriant, en riant, comme un jeu.
Pourquoi eux et pas moi ? Pourquoi y en a-t-il toujours pour qui c’est plus facile que pour moi ?
Y en a même qui viennent me dire que le moyen d’y arriver, ils le connaissent, ils l’ont pratiqué ; le truc, ils l’ont, ça marche ; ils sont disposés à m’en faire profiter. Ça coûte tant, signez ici.
Et moi, je suis là, au pied de ma montée ; je ne signe pas, je n’ai plus envie de me faire avoir. Pour monter cette pente, ça n’est pas un truc qu’il me faut, c’est du courage, de la volonté. Et moi, quand ça monte, je me sens veule et mou.
Un faible.
Et puis tout à coup, par la grâce de je ne sais quel prodige, je vois que la vie (?) vient de creuser des marches dans cette montée. Parce que, je te jure, elles n’étaient pas là avant. Sinon je ne me serais pas cassé la gueule lors de mes dernières tentatives, non ?
Des marches, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que je peux envisager cette ascension de façon plus progressive ; je peux m’arrêter en route, en étant sur un terrain à peu près plat, donc plus reposant et plus sécure. Ça veut dire que je peux m’aménager des pauses, des paliers, et que le fait de pouvoir gravir ce talus en plusieurs étapes me le rend plus accessible.
Alors bon. On peut se demander si c’est un cadeau de « la Vie », un miracle, ou si c’est une savante et inattendue conjonction de découvertes et apprentissages passés, le résultat de différents petits efforts d’attention, l’accumulation de plusieurs démarches (thérapie, lectures, réflexion…), tout cela et bien d’autres choses, qui concourent à me rendre visibles et accessibles ces marches, qui étaient là, mais que je ne pouvais pas voir.
Tu veux que je te dise ? Peu importe. L’essentiel est que cette montée, avec ces marches, devient un peu moins difficile, un peu moins casse-gueule, un peu moins anxiogène.
Du coup, je me sens devant un choix.
- Ouais bon d’accord, il y a des marches, mais la montée est toujours là, et ça fait chier toutes ces montées !
- Tiens donc ! Des marches sont apparues ! Par quel miracle ? Peut-être que si j’attends encore un peu, ils vont installer un téléphérique !
- Ouais bon d’accord, la montée est toujours là, mais il y a des marches, et du coup ça me fait moins peur ! Et puis c’est vrai que j’ai envie de la faire, cette montée ; envie de voir comment c’est en haut ; envie de passer à autre chose.
Bon. J’y vais.
~ ~ ~
Je t’avouerai que, s’il ne m’est pas toujours évident de choisir instinctivement la troisième option, celle-ci m’apparaît clairement comme étant la seule défendable.
Parce que c’est vrai que, des fois, le miracle semble opérer. Une étape de vie qui me semblait impossible devient facile, évidente.
Mais, plus souvent, ça peut n’être que de petites découvertes qui font passer les choses de « impossible » à « difficile », donc possible.
Et une fois engagé dans l’action, il m’arrive de découvrir que c’est même (ne fût-ce qu’un peu) moins difficile que prévu ; et satisfaisant, sinon agréable.
Le pas,
celui que j’ai à faire, ici et maintenant,
est probablement l’acte le plus fondamental de la vie.
Beaucoup de résonnances en moi, ce texte, et je suis entrain de lire le bouquin qu’Alexandre Jollien vient de sortir “Vivre sans pourquoi”. Bon été, Dominique.
J’ai justement reçu ce bouquin et vais le lire tout prochainement. J’ai adoré “Le métier d’homme”.
Bel été à toi aussi!