Humilité du baobab

C’était à l’occasion de je ne sais plus quelle réflexion que je me faisais au sujet du mot humilité. Tout à coup m’est venue cette expression: humilité du baobab.

Ô Toikimeli, as-tu déjà vu ces deux mots accolés? As-tu déjà pensé à un baobab comme un symbole d’humilité?

Moi pas.

Que je pense au baobab de Madagascar…

Allée des baobabs à Madagascar

(source)

…ou au baobab africain…

Un baobab large et massif dans la savanne africaine.

(source)

…le mot baobab semble mal s’accorder avec le concept d’humilité.

~ ~ ~

J’ai grandi avec une vision de l’humilité qui évoque des images de discrétion, de tête baissée, d’échine courbée, de résignation à une condition de pauvre pécheur… Ces images, véhiculées notamment par la culture catholique romaine qui était celle de ma famille, n’ont, à mon sens, aucun rapport avec une humilité juste et saine. Et j’ai pu voir que, chez certain·es, cette vision a fait passablement de dégâts.

Bref, mes représentations de l’humilité étaient — jusqu’il y a peu — plus proches de la pâquerette que du baobab.

Et bien plus ça va, plus je me dis qu’y a aucune raison qui empêche un baobab d’être humble !

Non mais !

Attends, tu vas voir.

Je me permets d’inviter ici monsieur de La Fontaine, ou plus précisément deux de ses personnages les plus célèbres, la grenouille et le bœuf.

Gravure du 17e siècle, illustrant la fable de La Fontaine "La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf".

(source)

Dans cette fable, la grenouille a donc la prétention de devenir aussi grosse que le bœuf, au lieu d’accepter humblement sa condition de grenouille.

Si l’on consulte la liste des synonymes de prétention, on trouve des mots qui évoquent la grandeur, la hauteur, l’infini, l’importance…

Humilité, au contraire, évoque la petitesse, la discrétion, l’abnégation, la soumission.

Et si, pour voir, on imaginait que c’est le bœuf qui veut se faire aussi petit que la grenouille ? Mmmh ? Dans ce cas, parlerait-on de prétention ? Lui conseillerait-on d’accepter humblement sa condition de bœuf ?

Peut-être pas.

Pourtant…

En effet, n’y a-t-il pas une certaine forme de prétention à vouloir se faire plus petit, plus discret… autre, en somme, que la nature nous a faits ?

Et y a-t-il vraiment de l’humilité à ne pas se servir des talents et ressources que nous avons reçus ? De vouloir à tout prix prendre la dernière place alors que la nature nous a peut-être donné des talents de leader, de rassembleur·euse ?

L’humilité, pour le baobab, est-ce se rabougrir et vouloir se mettre à l’ombre d’une pâquerette, ou bien est-ce de se déployer selon sa nature, dans toute sa vérité de baobab ?

Qu’en penses-tu, ô Toikimeli ?

Après, bien sûr, il y a la question de l’orgueil.

Car le baobab n’a pas à s’enorgueillir de son calibre, de sa position dominante. Sa grande taille ne lui confère pas plus de valeur que la pâquerette. Plus de résistance, de longévité, une meilleure visibilité, oui, mais pas plus de valeur !

Un prix plus élevé, certainement. Parce que si l’on voulait vendre un spécimen adulte de ces deux végétaux, les coûts de production et de commercialisation du baobab seraient considérablement plus élevés que ceux de la pâquerette. Mais ne confondons pas coût et valeur ! La valeur intrinsèque du baobab n’est en rien plus élevée que celle de la pâquerette. Il n’y a donc aucune raison de se vanter d’être l’un plutôt que l’autre.

Ou bien ?

~ ~ ~

Note que l’Église semble ne pas avoir l’exclusivité de cette vision, puisque le dictionnaire y participe. Le Larousse, en effet, propose la définition suivante:

Humilité
nom féminin
Sentiment, état d’esprit de quelqu’un
qui a conscience de ses insuffisances, de ses faiblesses…

…moui…

…et est porté à rabaisser ses propres mérites

C’est là que ça coince! Se rabaisser ne me semble pas être une marque d’humilité authentique, mais plutôt… comment dire… une forme de difficulté psychologique, un complexe, un défaut d’acceptation de soi… je ne sais pas trop. Mais c’est de l’ordre du dysfonctionnement, alors que l’humilité est — selon moi — une forme de sagesse.

Ou, plus prosaïquement, de bon sens.

Bon. Je n’ai pas la prétention de donner des leçons au Larousse ! Sa définition consacre un usage que je serais bien en mal de ne pas reconnaître comme existant.

Mais à propos d’usage, celui que nous faisons du mot humilité me semble incomplet. Car si la conscience de ses propres limites est appelée humilité, comment appelle-t-on la conscience de ses propres ressources, de ses qualités, de ses talents ? Je parle bien sûr d’une conscience exacte, et non d’une surestimation. Comment, en un mot, définir ce juste positionnement ? Et n’avons-nous pas tendance à appeler prétention la simple énonciation d’un talent personnel, par ailleurs reconnu ? En tout cas moi, cela m’arrive.

Toutefois, à bien y réfléchir, j’ai tendance à considérer l’humilité comme étant cette juste position, cette juste autoévaluation: ni survalorisation ni sous-valorisation.

Je suis d’ailleurs encouragé dans ce sens par Wikipedia, qui commence ainsi l’article consacré à ce mot:

« Le mot humilité […] est généralement considéré comme un trait de caractère d’un individu qui se voit de façon réaliste. »

Aussi me permets-je (humblement !) de proposer la définition suivante:

Humilité
nom féminin
Sentiment, état d’esprit d’une personne
qui ne cherche pas à péter plus haut que son cul.
Ni plus bas.

(Et là, si tu veux bien, je ne mettrai pas d’image d’illustration !)

 

 

9 réflexions sur “Humilité du baobab”

    1. Hi hi! C’ est marant : les deux premiers commentaires sont reliés au monde de la danse. Une directrice d’école de danse et une ancienne reine du flamenco!
      De plus, c’est vrai que le baobab a un sacré « body design »!

  1. Génial ton article, certes, mais il prend la tête.
    Pour moi, l’humilité, c’est tout simplement ne pas mettre ses qualités en avant, ne pas sen vanter.
    Et je trouve ça pas mal.

    1. Désolé pour la prise de tête!
      Ça se voulait une réflexion un peu approfondie sur certaines dérives que j’ai pu constater (et même pratiquer!) à propos de l’humilité.
      Je suis d’accord avec toi pour “ne pas se vanter”. Mais il y a des circonstances où il est normal de “mettre ses qualités en avant”; ne fut-ce que lors d’un entretien d’embauche, par exemple. Et il est possible de le faire avec humilité (= “sans prétention”).

  2. Comme j’avais aussi une vision un peu étriquée de l’humilité, j’ai utilisé ton renvoi à Wikipedia et, franchement c’est très intéressant!
    Merci Dominique.

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