Du yogourt au bonheur.

Soit un yogourt.

Nature.

À la base, en ce qui me concerne, je peux trouver ça bon, mais quand même: j’ai tendance à préférer lorsqu’il y a un peu de sucre. De goût sucré. Par exemple, j’aime y ajouter une tombée de miel liquide.

Passionnant, non?

Attends, tu vas comprendre.

Le miel, jusqu’à peu, je la mélangeais soigneusement, méticuleusement, de manière à ce que chaque atome du yogourt en soit imprégné. Et, pour que cette imprégnation satisfasse pleinement mes papilles, je devais en mettre une dose relativement importante. C’est qu’il y en a, des atomes à imprégner, dans un yogourt!

Oui, je suis ce qu’on appelle un bec à miel.

Mais un bec à sel aussi. Petit, j’allais à la cuisine, en cachette, me secouer la salière au dessus de la langue. J’adorais ce goût. Et encore à présent, si tu me laisses seul en tête à tête avec un plat de chips, un bol de cacahuètes salées, un paquet de TUC, je te dis pas le carnage!

Mais je m’égare.

Récemment, je me suis mis à modifier ma pratique en matière de yogourt au miel. Parce que j’ai découvert incidemment que le fait de mélanger imparfaitement le miel au yogourt présentait un certain nombre d’avantages:

  • Au lieu d’UN goût (yogourt au miel), j’en savoure DEUX (yogourt ET miel). La douceur du miel cohabite avec la fraicheur laiteuse du yogourt sans s’y perdre. Et je trouve ça tellement meilleur… Parce que du coup, lorsqu’une de mes papilles tombe sur un filet de miel, le goût en est plus intense!
  • Je mets moins de miel qu’avant. Sinon son goût sucré entre en concurrence déloyale avec celui, plus discret du yogourt. Or diminuer la quantité de miel – donc de sucre – m’est profitable.
  • Par ailleurs, afin de bien ressentir cette cohabitation de goûts, j’ai envie de manger mon yogourt moins vite, en le savourant davantage. Ainsi ce moment de gourmandise devient en quelque sorte un exercice de pleine conscience. Ou plutôt de pleine présence ou de pleine attention 1

Je retire donc de cette nouvelle habitude trois bénéfices: plus de goûts, moins de sucre et une meilleure qualité de présence à l’instant.

Aujourd’hui, tout à coup, un quatrième bénéfice m’est apparu. Et c’est maintenant que tu vas comprendre pourquoi je te parle de tout ça.

Ce quatrième bénéfice peut s’exprimer ainsi: cette manière de préparer et de savourer mon yogourt me parle du bonheur.

Parce que j’ai longtemps cru qu’une vie heureuse était une vie dans laquelle le bonheur imprégnait chaque jour, chaque minute, chaque atome de l’existence, à l’image du miel qui imprégnait chaque atome de mon yogourt. Or, je découvre progressivement – et cette histoire de yogourt m’y aide de manière inattendue – que ce qu’on appelle le bonheur n’est pas une imprégnation de cette sorte.

Le bonheur n’est peut-être pas appelé à se dissoudre dans le quotidien.

Il est important que la vie reste la vie, avec son goût propre.

Que celui-ci, plus discret que celui du bonheur, me reste accessible.

Autrement dit, mon yogourt me rappelle l’importance de cultiver mon aptitude à goûter l’ordinaire, à savourer le quotidien.

Bénéfice collatéral: les moments de bonheurs, fussent-ils – parfois – aussi discrets que le filet de miel dans mon yogourt, auront un nouveau relief, une nouvelle saveur, donnant à ma vie tout entière une nouvelle intensité.

C’est pas ça qu’on appelle du Win Win?


  1. Selon Fabrice Midal, fondateur de l’École occidentale de méditation, la traduction de mindfulness en pleine conscience est une erreur que l’on paie cher.

9 réflexions sur “Du yogourt au bonheur.”

  1. Je mange mon yogourt ou mon fromage blanc avec du sucre en poudre et je ne mélange pas.
    Dans la vie pareil, j’évite de mélanger mais je n’avais pas encore relié les deux. Merci !

    1. Ben tu vois, ne pas mélanger le sucre, il n’y a pas si longtemps, cela m’aurait surpris!

      Mon grand-père, à passé 90 ans, disait “On n’a jamais fini d’apprendre!”. Avec mes 61 ans, ça me laisse encore une bonne marge de progression!

  2. J’adore ce texte, le contenu et la manière d’écrire!

    J’ai toujours aimé savourer plusieurs goûts différents. Au restaurant, je ne choisis jamais un plat à goût unique comme par exemple un risotto aux champignons, car je trouve ennuyeux de ne pas pouvoir alterner.

    Que peut-on lire pour comprendre pourquoi la traduction de mindfulness en pleine conscience serait une erreur que l’on paie cher? Ma référence à ce sujet est “Le pouvoir du moment présent” d’Eckhart Tollé, mais la version originale est en anglais.

    1. Merci Laure, ton feedback me touche!

      Mais un bon risotto, tout de même… A défaut de juxtaposition de goûts, il y a juxtaposition des texture, non? 😉

      Concernant ta question: j’ai entendu Fabrice Midal expliquer cela dans une émission radio (Suisse ou France). Mais je n’arrive pas à retrouver. Si j’y parviens je te ferai signe!

  3. Très chouette article, en effet.
    Le bonheur est si fugace que je n’ai jamais pu le dissoudre.
    Quand il est là, c’est tellement beau que je préfère le garder tout entier, ne serait-ce qu’un instant.

  4. “Parce que j’ai longtemps cru qu’une vie heureuse était une vie dans laquelle le bonheur imprégnait chaque jour, chaque minute, chaque atome de l’existence, à l’image du miel qui imprégnait chaque atome de mon yogourt. Or, je découvre progressivement – et cette histoire de yogourt m’y aide de manière inattendue – que ce qu’on appelle le bonheur n’est pas une imprégnation de cette sorte.”
    Et bien… c’est les deux.
    Dom, je t’accorde volontiers qu’une sorte de naïveté naturelle tend à faire penser que si “la dissolution parfaite” amène au bonheur, donc incessamment, il y a aussi des périodes où “percevoir des séquences”, c’est … bien aussi

    1. ysengrain, il me semble que c’est la première fois que j’ai le plaisir de lire ici; bienvenue chez moi!

      Ceci dit, je ne suis pas certain de bien comprendre ce que tu veux dire…

  5. Je n’aime pas trop le miel mais, comme Jeanclaudes, je mets du sucre en poudre dans mon yogourt et je m’empresse de la manger avant qu’il fonde, pour que ça “crousse” sous la dent. Même chose avec les framboises, par exemple.
    Quant au bonheur, c’est se mettre dans une chaise longue avec un bouquin, ne pas l’ouvrir et simplement regarder passer les nuages. 😉

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