Du chemin, du but, et du raccourci

Lorsque j’arrive au bout de la passerelle, j’ai deux possibilités:

Soit je prends le petit escalier, à gauche,
soit j’oblique à droite et je prends le chemin.

Par le chemin, on monte très légèrement, sur environ soixante mètres.
Puis, à son extrémité, en  faisant un virage en épingle à cheveux
et à nouveau une soixantaine de mètres,
on rejoint le sommet de l’escalier.
Mais la suite est une autre histoire,
revenons au bout de la passerelle.

J’ai donc le choix:
Soit je monte un petite dizaine de marches;
soit je fais ces soixante mètres de chemin,
puis ces soixante mètres de trottoir,
pour me retrouver au même endroit,
d’où je continue en direction de ma destination.

Un certaine logique pourrait s’exprimer ainsi:

J’ai fixé mon but,
j’ai choisi le chemin,
je prends les raccourcis possibles.
Ainsi atteindrai-je mon but plus rapidement.

Mais tu vois, il se trouve que,
lorsque je passe à cet endroit,
si j’ai bel et bien une destination,
celle-ci n’est pas mon but.

Je t’explique:
Je travaille à huit minutes à pied de chez moi.
Or par choix, pour le plaisir – vraiment ! –
et un peu, aussi, par nécessité… pondérale(!),
j’ai décidé de marcher tous les jours une demi-heure;
au minimum une demi-heure de marche quotidienne,
d’un pas énergique,
en soignant particulièrement ma présence,
ma respiration,
mon centrage,
mon pas…
moi, quoi!

Donc: le matin, lorsque je vais au travail,
au lieu de prendre le chemin le plus court,
je m’offre un détour,
un itinéraire d’une demi-heure, sans arrêt,
au bord de l’eau,
et en compagnie des arbres.

Ainsi lorsque j’arrive au bout de cette passerelle,
j’ignore l’escalier, le raccourci,
et je prends le chemin, le détour.

Chemin de gravillons, qui crissent sous mon pas,
entre le talus herbeux et les arbres,
comme un bout de nature,
une parenthèse de relation à la terre,
un moment de choix – le moment d’un choix :
celui d’entendre le bruit de mes pas,
plutôt que celui des bus qui quittent leur dépôt,
juste là,
de l’autre côté de la rivière.

Alors tu comprends,
la logique dont je parlais tout à l’heure,
cette logique qui est celle de notre monde,
qui nous fait prendre les raccourcis,
pour abréger le chemin,
et atteindre, plus vite, notre but,
cette logique, je l’inverse:

J’ignore le raccourci,
je choisi le chemin,
et ainsi,
j’atteins mon but.

3 réflexions sur “Du chemin, du but, et du raccourci”

  1. J’entends les petits cailloux qui crissent sous tes pas! Cela me fait penser à ces mots attribués à Lao Tseu “Il n’y a point de chemin vers le bonheur : le bonheur c’est le chemin”. Alors pourquoi aller toujours au plus vite, foncer tête baissée en étant déjà dans ce qu’on fera après, au lieu de savourer l’instant ? Toujours un plaisir de te lire :-))

    1. Je pensais, en écrivant mon billet, à une autre phrase, plus synthétique, que je croyait de Lao Tseu ou Confucius, mais que j’ai découvert n’être “que” de Goethe (pourquoi “que”?) :

      Le but, c’est le chemin.”

  2. Et personne pour “t’obliger à choisir”! Quelle magnifique liberté intérieure nous avons.
    Et en ce moment, ton chemin doit être tout coloré de l’automne.

    Je me réjouis de lire ton prochain texte.

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