Bloggeur blues

Lorsque j’ai commencé mon blog, il y a quelques années, je me faisais de cette activité une représentation bien carrée; j’imaginais que le flux de travail serait fluide, immuable et régulier:

  • Avoir une idée
  • Rédiger un texte
  • Le relire, le corriger, le mettre en forme
  • Publier le texte
  • Attendre les commentaires
  • Y répondre s’il y en a
  • Ne pas désespérer s’il n’y en a pas
  • Avoir une nouvelle idée
  • etc.

Bien sûr, je me doutais bien que parfois l’idée ne viendrait pas, ou qu’elle vient alors que le cycle de la précédente n’est pas encore terminé.

Mais – naïveté! – je réalise que j’avais inconsciemment imaginé que, grosso modo, toute idée donne naissance à un texte, et que tout texte finit par être publié.

J’ai donc commencé à publier quelques billets, et petit à petit, j’ai laissé mon blog de côté. Flemme, manque d’inspiration, découragement, désillusion…

Tout d’abord, j’en ai fait une sorte de complexe, puis j’ai réalisé que plein de gens qui avaient un blog ne publiaient qu’irrégulièrement, voire rarement. Je suis même tombé sur le blog d’une professionnelle de l’écriture qui n’avait pas publié de billet depuis plus d’une année. C’est peut-être idiot, mais cela m’a fait un bien! Alors oui, bien sûr, si elle n’avait pas écrit sur son blog elle avait écrit ailleurs (livre, articles…), mais quand même. Elle avait un blog, et elle n’y avait rien publié depuis longtemps. C’était donc normal et je n’étais pas coupable.

Du coup je m’y suis remis. Je me suis tout d’abord rappelé que, si j’écrivais, c’était d’abord pour moi. L’écriture m’aide à clarifier mes idées, à structurer ma pensée, à la préciser, pour, finalement, m’aider à vivre. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. M’aider à vivre.

Et le fait de publier, de partager, me « force » à prendre le temps de trouver les mots justes, les phrases qui parviennent à exprimer clairement ce qui m’habite, et, partant, de progresser dans cette clarification, ce discernement. « Mieux penser pour mieux vivre », a écrit je ne sais plus qui.

Tout ça pour dire que, si je m’y suis remis, c’est d’abord pour moi. Et, immédiatement après, pour partager. Comme pour alimenter la vie.

Alors voilà, j’apprivoise une nouvelle vision, plus juste, de la vie de blogueur. En gros, voilà à quoi ça ressemble:

  • Avoir une idée
  • Commencer à ​l’écrire
  • Trouver ça naze
  • Avoir une autre idée
  • Commencer à l’écrire
  • Se dire que finalement la précédente n’était pas si naze
  • Y revenir
  • Avoir une autre idée
  • Écrire
  • Mettre en forme​
  • Se casser la tête à comprendre pourquoi cette f*** interface de WordPress ne fait pas ce que je voudrais qu’elle fasse
  • Chercher la solution sur les forums d’entraide.
  • Avoir une nouvelle idée
  • La noter dans un coin de mon iPhone
  • Retrouver par hasard un texte commencé il y a quelques semaines et se dire que quand même ce serait bien de le terminer
  • Avoir une idée, et pis non, ou alors peut-être comme ça, bof, quoique, je note, on verra plus tard
  • Recevoir un mail du forum d’entraide WordPress pour m’informer qu’une réponse a été apportée à la question que j’ai posée
  • Chercher à comprendre la réponse
  • En attendant, terminer un autre texte et le publier
  • Attendre les commentaires
  • Se dire que quand même, on a beau écrire d’abord pour soi, on apprécie bel et bien de savoir qu’on est lu
  • Comprendre la réponse du forum
  • Avoir une autre idée
  • Revenir sur la précédente parce qu’elle était pas mal
  • Travailler à son écriture, publier le texte accidentellement au lieu de sauvegarder le brouillon, le dé-publier, envoyer un mail aux abonnés pour m’excuser de la fausse manœuvre, terminer la mise en forme quelques jours plus tard, la republier, réaliser que du coup les abonnés n’ont pas reçu de notification pour cette republication, se dire que c’est pas grave.
  • Avoir une idée, se dire qu’elle est géniale, l’enregistrer dans mon iPhone, faire une fausse manœuvre, perdre l’enregistrement, oublier l’idée, mais pas le fait qu’elle était géniale…

Bon.

Je crois qu’on a compris. En tout cas moi, je comprends. Je comprends que ce que je décris ici, c’est simplement le processus de la vie.

Et qu’en apprenant à gérer mes brouillons, mes idées, mes essais, mes ratages, mes réussites, mes abandons, mes reprises, mes attentes, mes désillusions, mes découvertes, mes envies d’apprendre à mieux écrire, ma faculté à tirer le meilleur de mes possibilités réelles actuelles,

en apprenant à bloguer,

quelque part,

j’apprends à vivre.

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